Une parenthèse inattendue

Fatigué… Ce matin est encore plus dur que les précédents. Et oui je nie de tout mon être le fait que j’ai tellement bu de rhum hier soir que j’en ai même oublié à quoi pouvait bien servir un verre. Ca fait trois jours que le bateau du capitaine est amarré au quai. Notre dernière épopée contre les navires de guerre royaux nous a valu de sacré trous dans la coque et une voile déchirée. Et moi l’éplucheur de patate de service, bien incapable de faire une quelconque menuiserie, j’ai quartier libre. Alors bon à part passer mes soirs à boire le mauvais alcool bon marché et la journée à cuver les difficultés de la veille, je suis un peu dépourvu. J’erre donc seul sur les quais du port, le soleil étant déjà haut dans le ciel. Et qu’est qu’il tape le coquin ! Rê n’a pas décidé de m’épargner aujourd’hui. Je pourrais peut être rentré à la maison si seulement j’étais sur du jour où le bateau reprendrait la mer. Mais il faut que l’étendue des dégâts soit évalué et la coque réparé. Ca fait plusieurs semaines que je n’ai pas vu mes parents. Et de toute façon, qu’est ce que je leur dirais ? Que je me suis engagé comme pirate ? A mon père qui est un pêcheur tout ce qu’il y a de plus modeste et qui les fuit comme la peste ? A ma mère qui a perdu son unique fille, vendue à des malfrats à peine plus fréquentable que la bande de joyeux lurons avec qui je sillonne les mers ? Non c’est chose perdue. Alors je marche sur le port, m’émerveillant des splendides bâtiments qui flottent accostés. Mon ventre gargouille et demande à être rempli d’autre chose que d’alcool mais les trois pièces que je traine au font de ma poche ne suffiront même pas à me payer le rhum qui va avec. Je commence à être sacrément sec, au propre comme au figuré. Une odeur de poisson passé flotte dans l’air tandis que je m’approche des invendus de ce matin qui termineront comme appâts le lendemain. Sur le bord de la ruelle, à moitié dans l’ombre, une silhouette au long manteau se tient droit, immobile. C’est étrange d’être aussi couvert quand il fait aussi chaud… J’essaie de regarder son visage avec un peu plus de discrétion et je n’arrive pas à déterminer ni son âge, ni son sexe. Que peut-il bien attendre ainsi ? Je ne sais même pas s’il est éveillé, j’ai l’impression qu’il s’avachit de plus en plus. Je me dirige donc vers lui pour lui proposer mon aide avec mon plus beau sourire.

« Ca va camarade ? T’as pas l’air bien.. Tu devrais retirer ta veste, c’est l’été. C’est peut être la chaleur qui te fait cet effet là ! »

J'ai toujours été fasciné par la beauté de notre père créateur Noun alors que Rê l'éclaire de ses rayons matinaux. Le spectacle de ses reflets dans l'eau m'hypnotise, rien ne pourrait me décourager de les observer des heures durant, assis dans le port... Rien si ce n'est la vulgarité des marins et en particulier des pirates. Je n'ai rien contre eux puisqu'ils me vénèrent autant que Noun mais je n'aime pas leur manière avec nous, ils nous souillent de leur déchets, nous déshonorent par les cadavres qu'ils nous jettent sans même un mot d'excuse... Et ils y prennent plaisir. Ce sont des barbares sans éducation. Mes paysans n'ont pas non plus d'éducation mais ils prennent grand soin de l'Alphée. Les pirates sont les pires forbans du monde connu. J'ai une moue désabusée en voyant deux déchets humains rendre leur repas de la veille en rampant jusqu'au bord de l'eau pour rejoindre un hamac de fortune dans un bâtiment ayant connu des jours meilleurs. Je m'éloigne vers les rues de Galadrina juste assez pour ne plus subir leurs relents nauséabonds et continue à fixer l'océan, immobile, dans une ruelle ombragée. L'odeur des poissons entassés me dérange bien moins que celle du rhum en décomposition. Je m'interroge à me glisser de nouveau dans l'eau. Rien ne m'attend ici que les manières de ces scélérats. C'était une mauvaise idée de venir jusqu'à Galadrina... Mais la propreté douteuse de l'eau du port ainsi que le chaos ambiant me fait renoncer. J'aimerais déplier mes ailes mais je ne veux attirer l'attention sur moi. Rê monte inexorablement dans le ciel, me donnant l'impression de cuire sous mon long manteau de lin. J'ai décidé de cette journée à Galadrina pour me ressourcer auprès de Noun mais le port n'est définitivement pas le bon endroit. Je sais que les cultures dépendent de moi et la tranquillité de l'océan originel ne pouvait que m'apaiser, du moins le croyais je.

Je sens l'agacement poindre et mes épaules se voûtent légèrement alors que des pas viennent dans ma direction. J'espère en silence qu'il passera son chemin et j'essaie de faire semblant de dormir attendant qu'il passe sa route comme les précédents. Mais deux grands yeux bleus me fixent sans gène apparente. Ses parents ne lui ont donc pas appris à ne pas déranger les divinités quand elles méditent ?! Je ne suis pas étonné d'apercevoir l'emblème des pirates protégeant ses cheveux dont la blondeur me rappelle les épis des blés au soleil. A ses paroles je lui retourne un regard aquatique assassin, mon orgueil est piqué à vif par ce simple mortel qui croit me faire bénéficier de ces conseils et m'aborde comme un pair. J'ai une moue méprisante.

« Je te remercie de ta considération jeune brigand mais je me porte bien. N'as tu pas un bâtiment qui requiert ta présence dans l'immédiat ? »

J'espère m'en débarrasser rapidement et je fronce le nez de dégoût en sentant des relents d'alcool de la veille. Décidément, je préfère mes paysans qui me respectent et me couvrent d'offrandes à ces fripouilles sans foi ni loi.

Ola Matelot ! Je ne t’agresse pas, je te propose mon aide. Jeune brigand ? Et puis quoi encore ? J’ai eu l’air d’un brigand quand je t’ai demandé si ça allait ? Tu veux savoir ce que c’est un brigand ? Un vrai pirate sanguinaire sans foi ni loi ? Qui vole, pille, viole et annihile toute forme vivante dans son périmètre d’action ? Je fronce les sourcils, visiblement vexé par l’allusion gratuite et désagréable. Cela dit, l’homme, ou la femme d’ailleurs, est apparemment pressé de me voir partir. La façon dont il essaie de se débarrasser de moi en dit plus sur ses activités solitaires que n’importe quelle révélation. Il n’en faut pas plus pour éveiller ma curiosité, et au vu de la réponse désagréable qu’il m’apporte, je ne peux que rester là et attendre de voir.

« Moi c’est Zazu, et non je n’ai rien de particulier à faire pour le moment. Le navire est immobilisé jusqu'à nouvel ordre. Tu fais quoi là, tout seul ? »

Il n’est pas question que je réponde à ses désirs de me voir partir si vite. J’essaie de me concentrer un peu plus pour essayer de deviner le sexe de mon interlocuteur. Il a l’air d’avoir un visage encadré par des traits plutôt masculins, avec au contraire des yeux clairement féminins. Je le domine d’une bonne tête ce qui me rassure quand à l’issue d’une éventuelle bagarre. Rien ne laisse présager de l’étendu de son pouvoir, même si ce détail ne m’a jamais empêché de me jeter dans les pires guets-apens.

« Ah, et au passage, y a plus brigand que moi dans les environs hein, je ne suis qu’un vulgaire éplucheur de patate… »

Sur ces dernières paroles, je remis mon bandeau dans les cheveux par un geste machinal.

Je remarque son air offensé et mon agacement en est déjà plus léger à supporter. Ce que ces humains peuvent être fiers parfois, c'en est presque amusant. Sa présentation me tire un haussement d'épaules désabusé et sa question est à nouveau une source d’agacement. Il ne semble rien avoir de mieux à faire que rester planté là à tenter de me tirer les cafards du nez... Après quelques secondes d'un silence obstiné de ma part, j'imagine qu'il va me tirer sa révérence et partir avec toute la dignité que sa condition de pirate le lui permettrai... mais ce n'est même pas le cas. Il renchérit en précisant sa condition de mousse. Toutefois, malgré le caractère insolite de cette précision, je me sens moins mal disposé à son égard. Son métier, s'il on peut dire, me le rend plus proche de mes paysans. Je daigne le gratifier d'un sourire dont je sais qu'il me fait paraître plus féminine que jamais....avant de diriger de nouveau mon attention derrière lui, vers le calme tranquille des reflets de l'eau, dont le charme est à peine rompu par la grossièreté des rustres fréquentant le port.

« Puisque tu sembles si curieux de tout jeune matelot, sache que je regarde les jeux de Rê sur Noun et que cette simple observation comble ma journée. »

Je sais que ma voix romps la douce harmonie qu'apportait un sourire sur mon visage par son caractère grave et chaud. Je décide de tenter de remettre cette âme égarée sur le droit chemin dans un élan de bonté divine.

« Tu semblais prêt à me venir en aide tout à l'heure... Ce n'est guère un comportement de pirate... Ou peut-être avait eu l'intention de me déposséder de ma bourse. Dans ce cas je t'arrête car je n'en ai point. Mais un jeune homme comme toi ne devrait pas fricoter avec les pirates... Ta mère sait elle que tu fréquentes ce genre de racaille ? »

Malgré mon jeune âge apparent, je sais que mon discours ressemble à celui qu'aurait pu tenir son grand père. Je dois être dans un bon jour,je suis rarement aussi sage.

Un homme ? Une femme ? Un homme ? Une femme ? Je n’arrive plus à me concentrer tellement cette question harcèle mes pensées. D’un côté, certaines de ses mimiques le féminise assurément, et en même temps, sa voix, ses intonations, son attitude est parfaitement masculine. Je ne sais pas très bien à qui je m’adresse et ça me rends fou. Il faut que je lui pose la question… Il faut que je la lui pose… Pendant que je m’obstine à essayer de découvrir son sexe d’un moyen ou d’un autre, il a le temps d’évoquer trois mots sur ses occupations. Il regarde le soleil et l’océan. Toute la journée… Je suis tout à fait d’accord pour dire que c’est un spectacle fascinant, mais il arrive un moment où même les statues s’ennuient de regarder Noun et Rê…

« Mes parents en seraient malades même… Mais bon j’ai 23 ans, j’ai le droit de prendre mes propres décisions maintenant ! Et puis tu parles comme si t’étais plus vieux que moi. T’es plus petit je te rappelle. »

Je suis conscient que la taille n’a souvent aucun lien avec l’âge ou la sagesse. Mais j’aime bien mettre l’accent sur les évidences. De même, pas de bourse signifie pas de repas gratuit pour accompagner les verres de rhum que je peux me payer avec mes trois lyres en poche. Et moi qui comptais pouvoir me faire un ami temporaire pour m’inviter à la taverne la plus proche… Je regarde encore une fois mon interlocuteur pour voir s’il essaie de me feinter volontairement ou s’il dit la vérité. Je reste encore une fois stupéfait car alors que je commençais à me persuader que c’était un homme tout ce qu’il y a de plus masculin, je crois deviner une poitrine naissante sous sa longue veste. Un homme ? Une femme ? Un homme ? Une femme ?

« Un homme ou une femme ? J’veux dire, j’arrive pas à savoir si t’es une fille ou un garçon… »

C’était sorti un peu spontanément et pas de la moins brute des façons, mais au moins, avec un peu de chance, d’ici quelques secondes, je serais fixé…

Cette fois un rire franc m'échappe devant une telle confiance en soi qui me rappelle celle des enfants. C'est si frais, si différent de ce dont j'ai l'habitude que je n'ai pas pu me retenir. Comme un gamin qui gonfle le torse, ce petit bout d'humain semble défendre chèrement ses choix de vie, bien qu'ils ne semblent pas des plus réfléchis à mes yeux. Et je suis heureux d'avoir devant moi un interlocuteur qui n'a pas de cesse de me flatter ou de me couvrir d'offrandes. Cela fait longtemps qu'on ne m'avait guère critiqué... que ce soit sur ma taille ou mes discours sans âge. Mais je ne veux le vexer par cet éclat de rire, et, chose rare également, je fais l'effort de m'excuser.

« Pardonne moi, je ne me moque pas de toi. Tu as raison je parle comme un vieillard alors que je suis bien plus petit que toi, je ne le ferais plus. Mais je suis certaine que tes parents aimeraient avoir de tes nouvelles Zazu. »

Mais je ne suis pas au bout de mes surprises et quelques secondes plus tard, le gamin me scotche de nouveau par une de ces questions spontanées que me posent parfois les enfants quand leur parent ne sont pas à proximité. Il a pourtant précisé avoir 23 ans. Je reste stupéfait par son manque de retenu qui néanmoins n'arrive pas à m'énerver. Je le regarde fixement avec un demi sourire et lui lance comme je le ferais à un enfant...

« Devine ! … Si tu gagnes, tu pourras me demander ce que tu veux, et si j'en ai les moyens je te le donnerais. Si tu perds par contre, c'est moi qui te demanderai quelque chose. Je sais que vous autres, les pirates, êtes des joueurs... Veux tu tenter ta chance ? Après tout, tu as une chance sur deux...»

Cette virée à Galadrina prend enfin une tournure plus divertissante...

Je n'aime pas vraiment qu'on me dise ce que je dois faire, mais devant les excuses de l'étrange personnage qui se tient juste en face de moi, je suis soudain pris d'un curieux remord. Ça fait plus d'un mois que mes parents sont sans nouvelles de moi et je n'ai même pas pris la peine de leur faire parvenir un message. A ce moment, je me jure de le faire dans l'après-midi pour en finir avec ce désagréable sentiment de ne pas avoir agis avec maturité. Le petit bonhomme réponds a ma question de façon assez déconcertante. Il me propose un jeu dont l'enjeu est particulièrement intriguant. Est il a ce point sûr de gagner pour me proposer de réaliser tout ce que je lui demande ? Quoi qu'il en soit, mon âme d'enfant me prends aux tripes et je ne peux pas résister a l'appel d'un pari auquel j'ai idéalement cinquante pourcents de chances de gagner. Je me vois déjà lui demander le bon repas chaud dont je rêve depuis le début de la matinée pour accompagner mes trois lyres de rhum. Pourquoi pas de l'agneau ? Avec de bonnes patates dégoulinantes de graisse d'oie aromatisée aux herbes ? Rien que d'y penser, j'en salive d'avance. Et en dessert un riz au lait. Oh oui, comme celui de maman...

"J'accepte ! Mais pas de triche hein. Si je gagne, interdit de se défiler !"

J'ai le triste souvenir d'une partie de dé où un escroc de matelot avait assuré n'avoir jamais penché la table pour que le dé roule un peu plus longtemps. Ce jour là, j'étais tellement en rogne que mon poing est parti tout seul écraser son nez. J'ai fini rossé de coups par ses copains et dépossédé du salaire de la semaine que je promenais avec moi. Triste histoire...

"Je pense que t'es une fille, t'as de petits.yeux taquins comme les filles. Et puis ton sourire me fait penser a celui de ma sœur. Et puis on dirait des seins la sous ton manteau. Ouais t'es une fille, j'en mettrais ma main aux requins..."

C'était curieux mais malgré mon apparente certitude, au fond de moi je n’étais pas entièrement convaincu de ce que j'avançais...

"Attends j'y pense, tu connais mon prénom mais tu m'as pas encore dit le tien... ça m'aiderait peut être a trouver ton sexe..."

Un sourire mystérieux flotte sur mon visage tandis que je vois le sien prendre un air rêveur qui dévoile clairement son intention d'accepter mon offre et d'y gagner en échange. Je jurerais même d'avoir vu un filet de bave couler sur son menton tant il semble alléché par cette proposition. Je ne peux retenir mon amusement en le voyant finalement accepter avec la même fraicheur et la même spontanéité que précédemment tout en y mettant ses termes. Mais chacun sait de toute façon qu'un pari dépend de la parole des parieurs...et chacun est conscient aussi que les pirates et les dieux ne font pas figure d'exemple quand il s'agit de ne pas tricher. Toutefois, je hoche la tête pour accepter le marché sans ajouter un mot et sans me départir de mon sourire amusé. Il a à peine une seconde de réflexion avant de se declarer persuader que je suis une fille et cela même après que j'ai pourtant employé indifféremment le féminin ou le masculin. Je baisse les yeux vers ma poitrine en la considérant, en partie masquée par mon manteau. Mon visage est impénétrable mais mes yeux continuent de pétiller quand je repose mon regard sur lui. Je ne veux pas gâcher le jeu tout de suite. Mais il ne me laisse de toute façon pas le temps de lui répondre en se reprenant pour demander mon prénom avec sa franchise habituelle. C'est a moi d'être surprise cette fois. Je ne tiens pas vraiment a lui dévoiler qui je suis... Cela aurait tendance à rompre le charme du jeu... Je fronce les sourcils. Je n'aime pas quand un imprévu vient contrecarrer mes plans. Toutefois, je me décide à répondre, de mauvaise grâce de toute évidence...

"C'est de la triche ça jeune homme... Les indices n'étaient pas dans notre marché de départ. Mais puisque c'est ton désir de briser ta parole... Je m'appelle Hapy."

Une part de moi espère que le lien entre le dieu hermaphrodite du fleuve et un simple étranger croisé dans les rues du port ne se fera pas dans son crâne de pirate a sec. Mais je sais que les chances sont minces. Peut-être ne sait il pas qu'Hapy est un dieu hermaphrodite ceci dit. Mon prénom est certes unisexe et je pourrais tout aussi bien être un vagabond. Rares sont les dieux se promenant seuls ainsi. Ces pensées me rassénèrent quelque peu et je retrouve mon fidèle sourire de biais en plongeant mes yeux à la profondeur sous marine dans les siens. Attention à ne pas provoquer la colère d'un dieu vexé dans son orgueil jeune humain...

Hapy. C'est un joli prénom. Rare cependant, c'est peut être bien la premiere fois que j'en croise un. Encore une fois, je n'arrive pas a déterminer si le nom est masculin ou féminin. Il me semble que les deux sont possible mais je n'en suis absolument pas persuadé. Je le trouve plus adapté pour une fille mais qui sait. J'y pense mais la divinité du fleuve, elle ne s'appelle pas Hapy aussi ? Y a peu de chances que ce soit lui. De toute façon je serais jamais capable de le reconnaitre ne l'ayant jamais croisé ni même vu.

"C'est rigolo ça, comme la divinité du fleuve. Et sinon la pêche est bonne ?"

Je suis ravi de ma petite blague. Elle est tellement incongrue, qu'elle colle parfaitement avec mon humour. J'ai un peu peur d'aller un peu trop loin dans la provocation, il faut avouer que je viens tout juste de le rencontrer.

"Enfin, je confirme, tu dois être une fille probablement..."

Je me demande si elle ne joue pas un peu avec moi. J'ai la désagréable impression que je vais me faire rouler dans la farine. Elle est trop calme, trop sereine pour ne pas être sûre de gagner. C'est désespérant comme situation. Il faudrait que je songe a une pirouette au cas ou le pari tourne en ma défaveur. Et si je fuyais ? Il y a des chances pour que je la distance assez facilement vu la courtesse de ses jambes. Au pire j'use de mon don de projection astrale. Une petite illusion a un coin de rue et elle ne saura plus qui suivre. Mais d'un autre côté, ca pourrait etre vachement interessant d'attendre de voir ce qu'il peut bien me demander et en quoi il pourrait avoir besoin de moi. J'attendrais peut etre pour m'enfuir a bien y reflechir...

Je regarde avec un sourire serein le front plissé du gamin qui semble réfléchir intensément en face de moi sur ce prénom particulier, après tout, il ne tiendra qu'à moi de choisir si je daigne lui laisser gagner ce pari s'il découvre mon identité. Mais encore une fois, la spontanéité de sa réponse me stupéfie. Il ne peut pas être sérieux. Se moque t'on avec autant de désinvolture du nom des dieux dans notre dos ? Ne sommes nous plus respectés par le commun des mortels pour que cette jeune fripouille se permette de faire une plaisanterie d'un goût douteux sur la personne de la divinité du fleuve... Ah il veut plaisanter sur la qualité de la pêche ? Vous allez endurer la colère des dieux, Humains ! Je suis pris dans une tourmente intèrieure qui tempète sous mon crâne. Mes mâchoires se sont imperceptiblement contractées et le bleu de mes yeux s'est figé, glacial. Toutefois, l'imperturbablilité de mon vis-à-vis qui continue dans sa lancée me coupe dans cette élan de rage. Je lui souris, doucereux, prenant ma voix la plus grave pour lui murmurer telle une menace.

« Crois tu vraiment qu'une femme se serait interressé à toi, jeune brigand ? »

Il connaitra la colère d'Hapy, divinité du fleuve ! Je réfrène mon envie d'envoyer valser mon manteau de lin en déployant mes ailes devant lui pour le faire trembler devant ma suprématie... je suis ici anonymement. Je ne tiens en aucun cas à rendre de compte au petit groupe de prêtres dans le temple de l'embouchure de l'Alphée qui ne manquerait pas d'être informé de ma venue dans le cas contraire. Mais je me note pour moi même de prévoir une mauvaise pêche pour les mois à venir qui remettront ces humains impertinents dans le droit chemin. Je reporte mon attention sur le blondinet en lui lancant nonchalement avec un mépris palpable.

« Allons bon, tu as perdu mais tu n'as rien qui puisse m'interesser... File donc éplucheur de patates ! »

Ça y est, j'ai réussi par je ne sais quel moyen à le vexer. Évidemment qu'une fille s'interresserait a moi, je suis plutôt pas mal dans mon genre !

"C'est pas parce que tu es vexé que tu dois être désagréable. Et puis d'abord, j'exige des preuves ! Je n'ai que ta parole et ça ne me suffit pas !"

Que je m'en aille ? On ne se débarrasse pas de moi si facilement. D'autant plus que je n'ai rien de mieux a faire que de malmener ce jeune Hapy. C'est divertissant, et en même temps, je ressent une certaine condescendance de mon interlocuteur, ce qui me perturbe quelque peu. Il a bien besoin d'être remis a sa petite hauteur et je vais me faire une joie de m'en charger. Mais pour ça, je vais avoir besoin de reprendre un peu de force. Je pioche dans la poche intérieure de mon veston une petite flasque de secours qui ne contient rien d'autre que du rhum, et c'est déjà pas mal ! Je bois une petite gorgée du breuvage avant de m'adresser a nouveau a Hapy.

"Il n'est pas question que je réponde a un seul de tes caprices tant que tu ne m'auras pas donné la preuve de ce que tu avances !"

Il n'est pas dit qu'on roulera un pirate aussi facilement, quand bien même ne serait il qu'un vulgaire éplucheur de patates. Soudain, au bout du quai, le capitaine s'avance vers moi d'un pas pressé. Je hais cet homme jusqu'aux bouts des ongles. Je sers les dents discrètement et commence a lever la tête. Une fois devant moi, sa main vient frapper l'arrière de mon crane et fait résonner les quelques neurones qui résistent encore et toujours a l'envahisseur.

"Je t'ai cherché toute la matinée. On reprends la mer ce soir. Soit devant le bâtiment avant le crépuscule."

Le voilà qui se rebelle l'effronté. Je hausse un sourcil contrarié devant tant de persévérance mal placée. Des preuves.Et puis quoi encore ? On aura tout entendu. Veut-il que je sorte mon sexe pour le convaincre ?! Aurait il des penchants pour le voyeurisme ? Je le considère d'un air critique, le sourcil levé. Et ce n'est pas tout, non content d'être aussi gamin, il insulte un Dieu. Et il ne comprends même pas que je ne demande rien de lui, que rien de ce qu'il a à m'offrir ne m’intéresse réellement. J'ai déjà tout ce que je souhaite... Je suis sur le point de faire valser mon manteau, mes yeux deviennent gris tel l'Alphée pris dans la tourmente. Je vais lui montrer à ce jeune insolent la colère des dieux. Il tremblera quand je déchaînerai sur lui toute la puissance de mes vagues furieuses. Mais c'est ce moment que décide un autre pirate pour intervenir... Décidément, je hais les pirates. Je bous intèrieurement quand celui ci s'adresse un peu durement à mon vilain garnement...ce qui étrangement me mets encore plus en rogne. C'est moi qui m'en occupait et je n'aime pas comment ce gros lard traite Mon petit éplucheur de patate. Fidèle à ma réputation, je suis aussi versatile qu'une girouette soumise à Shou. Mes cheveux se hérissent devant la haine farouche que je voue à ce brigand que je viens tout juste de rencontrer... Aussitôt a t'il tourné les talons, et ignoré complètement ma divine présence, que je m'adresse à mon protégé de ma voix la plus féminine, aussi douce que les vagues qui viennent vous lécher les pieds.

« Tu avais raison jeune homme, je suis une femme... mais je suis aussi un homme. Je me nomme en effet Hapy...et je suis le fleuve, je suis l'Alphée et ses caprices, je suis les crues et les décrues, je suis l'engrais fertilisant Geb, la vallée de l'Alphée est mon domaine. Parle moi donc de ce capitaine qui semble te mépriser !...Oh mais j'oubliais... tu as de ce fait à moitié gagné ton pari... Allons bon... Voici ce que nous allons faire si c'est à ta convenance. Demande moi ce qui te plait et j’accéderai à tes désirs. En échange, puisque j'ai moi aussi gagné à moitié, je ne te demande qu'une chose, des informations sur ce...pirate. »

Ce dernier mot est chargé d'un tel mépris que je semble presque le cracher. Je suis à deux doigts d’espérer trouver une raison valable de déchaîner la colère qui m'habitait il y a à peine quelques secondes, bien qu'elle fussent alors dirigée vers mon compagnon blond, contre ce personnage imbus de lui même qui a attisé ma haine dès ses premiers mots.

Quoi ? Quoi ? Quoi ? Hapy ? Le dieu de l'Alphée ? Ce n'est pas possible. La stupeur doit se lire sur mon visage. Ainsi que mon intense réflexion afin de me demander jusqu'à quel point le « Hapy » qui se tient devant moi s'est foutu de moi... Il ne peut pas être celui que mes parents prient chaque matin en levant pour que la pêche soit bonne dans la journée qui suit. Ce n'est pas possible, les dieux ne se mêle pas aussi ostensiblement à la population. Ils sont censé être inaccessibles, intouchables, arrogants et hautains. Quoique sur ces deux derniers points, mon interlocuteur se défend pas mal. Je ne sais pas très bien comment je dois réagir, j'ai du mal à le croire. Ma naiveté me perdra. J'ai l'impression qu'on est en train de me monter un bâteau et qu'une nuée de personne ne va pas tarder à affluer pour rire de moi. Je prends donc le parti de ne pas entrer dans son jeu, même si c'est un pari risqué. S'il est vraiment Hapy, le dieu du fleuve, il doit avoir d'immenses pouvoirs, innimaginables même, et sa vengeance, sa colère risquent d'être terrible. Mais franchement, quelle est la probabilité que ce soit vraiment lui plutôt qu'un petit garnement qui s'amuse à se faire mousser ? Cependant, son histoire d'hermaphrodisme m'interesse un peu plus. Même si ce n'est pas vrai, il dit que j'ai droit de lui demander ce que je veux, et cette proposition n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd.

« Tu crois pas que t'exagères en te faisant passer pour Hapy, gardien de l'Alphée ? Sans vouloir te vexer, tu n'as ni le charisme, ni la carrure d'un dieu hein ! Mais puisque j'ai le droit de te demander ce que je veux, alors je connais une petite gargotte près d'ici qui sert un très bon ragoût. Invite moi la bas et nous serons quite ! »

Enfin ! Je vais pouvoir faire taire les grondements sourds de mon estomac, vide de la veille. J'accompagne ces quelques mots d'un sourire amusé. Hapy... Ca c'était une drôle de blague. Les gens sont de moins en moins gêné pour usurper l'identité des dieux. C'est quand même pas croyable. Enfin, tout ce que j'ai à lui donner en échange, c'est des informations sur mon capitaine. C'est d'ailleurs assez curieux son soudain intérêt. On reprends donc la mer ce soir... Je commençais à m'habituer à ma petite vie terrestre même si les lyres venaient à me manquer. Je n'étais malgré tout pas ici pour flâner toutes mes journées. Je ne voispas ce que ces informations vont lui apporter mais je n'ai pas d'excuses pour échapper à mon devoir.

« Aldur. Capitaine Aldur, il commande sur le « Vaisseau Pilleur » un équipage d'une vingtaine d'hommes qui attaquent les trentes plus proches villages autour de Galadrina. Que veux tu savoir d'autre ? Il n'est pas très intéressant... »

Je gronde légèrement devant l'insolence de mon vilain garnement éplucheur de patate. C'est quand même un comble de ne pas reconnaître qu'on est en face d'un dieu quand celui ci se présente à vous. Quelle fichu tête de mule. Néanmoins, je ne parviens pas à m'énerver réellement, j'ai déjà eu trop de haut et de bas depuis le début de notre conversation... et je suis vraiment en rogne contre son capitaine qui personnalise pour moi la grossièreté et le manque de savoir vivre de sa caste. Je suis presque sûr qu'il ne manifeste aucune dévotion envers moi ou ma fratrie. Il mériterait de couler, rien de moins. Vivre sur le dos des honnêtes gens, MES paysans, voilà un passe-temps qui me révolte. Je reporte mon attention sur Zazu quand celui ci insulte ma carrure et mon charisme et je gronde plus fort encore... J'ai toutefois assez de tenue pour ne rien dire tant qu'il ne semble pas avoir fini de piailler. Après m'avoir réclamer son du, un vulgaire repas bon marché, il m'informe du nom et des activités de son capitaine, qui comme je m'en doutais ne sont guère reluisantes. J'ai un rictus mauvais. A quoi servirait la vie d'un dieu s'il ne pouvait user de ses pouvoirs pour se jouer des humains les plus méprisables ? Je réserve mes questions pour plus tard et décide de m'occuper en premier lieu de cas de mon gamin borné. Ma voix roule telle des vagues déchainées.

« Espèce tête de bois ! D'autres seraient moins tolérant...et je ne serais pas dans un bon jour que tu croupirais déjà au fond de l'Alphée, lesté de ton rhum que tu aimes tant... » J'ai pris mon ton le plus menaçant et mes yeux dansent comme le fleuve en colère. Dans un geste théâtrale, je me redresse et fais tomber au sol mon manteau en dépliant mes ailes immenses. « Penses tu donc que je te mens quand je me présente à toi imbécile de pirate au cerveau lavé par l'alcool ?! »

Je me sers de la pointe de mon aile pour lui administrer un coup derrière la caboche assez fort pour lui remettre les idées en place. Allons bon, je pense que la démonstration est suffisante pour le calmer un peu. Je ramasse mon manteau et replie mes ailes colorées pour m'en camoufler de nouveau. Je fixe sur lui l'intensité de mon regard bleu-gris et me détourne sans explication, marchant jusqu'au bord du quai. Je m'accroupis alors et pose ma main au dessus de l'eau, comme ci j'attendais quelque chose. Sans effort apparent, l'eau monte dans ma main et change de forme progressivement, puis de consistance, formant de petites rondelles plates sans effort apparent de ma part. Enfin, la couleur change et les détails se précisent, révélant dans ma main une petite poignée de lyres. L'exercice ne m'a pris que quelques seconde. J'aurais tout aussi bien pu me servir de mon nom comme laisser passer dans l'auberge mais je ne préfère pas que ma présence soit ébruitée. Je me retourne donc vers mon gamin affamé.

« Où allons-nous petit homme ?! »

Les événements s'enchainent soudain très vite sans que je n'ai le temps de réagir ni de reprendre le contrôle de la situation. Dans la seconde, je découvre que la personne en face de moi est bien Hapy, maitre de l'Alphée et responsable de toutes les conséquences liées à la pêche et l'agriculture. Il fait tomber son large manteau qui m'avait servi d'excuse pour lui parler la première fois et révèle aux yeux du monde ses ailes colorés. J'avais déjà entendu parlé de cet attribut physique mais je n'y avais jamais vraiment cru. Pour moi, personne ne pouvaient voler, dieux comme Hommes, c'était pas humain. Tu m'étonnes... Dans la seconde qui suit, je me prends un coup derrière la tête qui secoue les quelques neurones qui n'ont pas encore été désagrégés par l'alcool. La stupeur doit sans aucun doute se lire sur mon visage, mais ce n'est pourtant pas faute d'avoir eu une flopée d'indices... L'arrogance, le regard hautain, le doute à propos de son sexe, son prénom, sa solitude, ses activités d'observation, son hermaphrodisme... Il a raison, quelle tête de bois je fais. Quant à le reconnaître à haute voix, il y a quand même un monde. Le temps que je reprenne mes esprits, Hapy avait invoqué des lyres en métamorphosant l'eau du port, me faisant par la même occasion la démonstration de l'étendue de ses pouvoirs. Quand il revint, je déclare avec la plus grande mauvaise foie au monde :

« T'aurais pas pu le dire plus tôt ? Ca se fait pas de faire tourner en bourrique les braves gens comme moi ! Enfin, c'est par là... »

Je pris une petite ruelle qui s'éloignait du front de mer tandis que mes pensées vagabondent. Malgré mon attitude désinvolte, s'il y avait un dieu qui gagnait ma reconnaissance, c'était bien Hapy. J'avais été élevé en priant pour implorer sa clémence et sa générosité. Si la pêche de la journée était bonne, c'était qu'Hapy devait être fier de nous. Si à l'inverse, elle avait été désastreuse, alors on l'avait offensé d'une quelconque façon. Que dirait mes parents s'ils me voyaient lui parler comme à nimporte quel camarade. Je ne le redoutais plus, j'avais appris à vivre avec sa miséricorde comme avec ses colères. Je n'étais pas assez fou pour le provoquer ostensiblement mais à mes yeux, mon comportement n'avait rien de bien méchant. Bien au contraire.

« Tu manges quoi du coup toi ? Je crois bien que c'est la première fois que je croise le chemin d'un Dieu. Moi je ne supporte plus le poisson, c'est pourquoi j'avais envie de viande. J'ai déjà mangé dans cette auberge, les gérants sont adorables, et ils servent un excellent rhum ! »

Finalement, je me rends compte que je ne sais rien des dieux. Je ne sais pas ce qu'ils font, ce qu'ils mangent, s'ils dorment, si le temps a un sens pour eux. La maison dans laquelle j'ai été élevé était trop modeste pour subvenir à mon éducation religieuse. Et ma curiosité grandit en même temps que ma faim.

Le moins qu'on puisse dire c'est que ce petit humain ne manque pas d'air, je suis un moment soufflé par la mauvaise foi manifeste de sa remarque mais décide cette fois de ne pas en tenir compte... A ce stade, c'est de la provocation, et je ne vais pas, en tant que dieu, mature et responsable, y céder aussi facilement ! Je respire donc amplement pour éviter de le corriger une fois de plus... Même si, « Hapy sait qu'il ne mérite ! » Cette petite blague avec moi même m'arrache un sourire, et je me décide à le suivre finalement à bonne distance, enveloppé dans mon manteau qui masque aux badauds mes caractéristiques pour le moins étonnantes, sans pour autant pouvoir cacher les bourgeons qui naissent dans l'empreinte de mes pieds nus, verdissant les moindres interstices des pierres mal ajustées. J'examine les rues dans lequel le jeune pirate se faufile en souplesse, mal à l'aise de m'éloigner du fleuve, comme toujours... Je déteste perdre de vue les reflets de l'eau et j'ai une sainte horreur de m'enfoncer dans les terres. L'idée même que des gens vivent dans le désert me parait stupéfiante et terrifiante à la fois. Je prie donc pour que cette auberge ne soit pas trop loin... De ce fait, je me concentre sur mon lien avec le fleuve, le sentant se tendre douloureusement, bien que je sente encore pour le moment le moindre clapotis de l'Alphée en mon sein. Mais mon petit compagnon de route à la tête de bois en a décidé autrement, et bien que je fus plongé dans une intense concentration, il m'interrompt sans plus de chichi pour me poser des questions dont la matérialité est stupéfiante. Hapy ! Que les humains pouvaient être pénibles parfois... D'autant plus que celui ci était une vraie pipelette... Ne s'arrêtait-il donc jamais ?! Enfin, j'eus l'occasion de lui répondre, tout en prenant mon ton le plus docte, je me décidais à l'instruire.

« Les dieux n'ont aucun besoin de se nourrir jeune imbécile, n'as tu donc jamais écouté les vieillards qui enseignent aux enfants l'histoire du monde durant vos veillés... Notre forme divine n'a aucun besoin. Elle subsiste sans sommeil et sans nourriture, seul la chaleur et la lumière de Rê nous sont précieuses, et encore, pas à tous... Cependant, l'enveloppe charnelle que nous avons choisi d'emprunter pour vivre parmi vous sur Astorias est humaine et nécessite donc les mêmes soins que les votres... Quand au rhum, sâche que je ne bois pas d'alcool, il parasite les sens... Et j'ai une nette préférence pour le poisson comme tu devrais t'en douter petit homme... »

Je ne tente même pas de parraitre moins arrogant que je ne le suis, c'est dans ma façon d'être et je ne compte pas changer pour les bonnes grâces de ces petits humains. Je suis conscient de ma supéritorité sur eux, bien que cette histoire de pouvoir depuis que nous sommes sur Astorias m'ait toujours chiffonné. Ce court instant de répit avant la reprise des piaillements incessants de mon petit éplucheur me donne l'occasion de constater que nous sommes moins loin de l'eau que je ne l'aurais cru, nous sommes revenus vers les plages de Galadrina après un léger détour... et au vu des cris, des bruits de casses et des odeurs non identifiées, je parierai mes ailes que nous sommes tout prêt de notre destination.